Archivage, conservation, restauration – A propos des photographies

Structure des photographies
La technologie de base est identique pour presque tous les procédés photographiques (épreuves, négatifs, diaposi-tives) : il y a un support (papier, verre, plastique, nitrate de cellulose ou polyester) recouvert d’une émulsion – le support de l’information de l’image. Celle-ci se compose d’un liant (par ex. l’albumine – du blanc d’oeuf pour l’albumine de papier, la gélatine) et de la substance sensible à la lumière produisant l’image (halogénure d’argent, couleurs). Selon la technique s’ajoutent d’autres couches : par ex.  une couche de baryte entre l’émulsion et le support, en sulphate de barium pour le papier baryté (papier gélatino-argentique à développer, noir et blanc), plusieurs couches de plastique pour le papier polyéthylène, des couches de protection pour les pellicules.

Détériorations
Technique des tirages positifs
Les détériorations que peuvent subir les photographies sont aussi variées que la technique est complexe. Les causes peuvent être des facteurs internes ou externes. Parmi les facteurs internes, on compte les propriétés chimiques et physiques des matériaux utilisés, qui ont une très forte influence sur la stabilité. Comme causes de dété-riorations exogènes, on peut mentionner des conditions climatiques de stockage défavorables, des matériaux de conditionnement inadaptés, une manipulation inappropriée et un éclairage trop clair. Généralement, une humidité relative de l’air et une température élevées accélèrent de façon significative le processus de détérioration des matériaux photographiques et des autres composants.

Pour les tirages, des dommages comme des déchirures, des pliures, des défauts sont provoqués par une manipulation inappropriée et/ou un stockage inadapté. Des défauts peuvent également survenir en décollant de façon inap-propriée une photo d’un carton, surtout lorsque l’on n’a pas utilisé de colle soluble à l’eau. Le matériel d’écriture peut également entraîner des dommages à la photographie : un tampon ou un crayon papier trop dur peut laisser des marques sur le recto de la photo. Les variations environnementales peuvent entraîner un décollement des couches, c’est-à-dire que l’émulsion se décolle du support. On risque alors de perdre des propriétés de l’image, car l’émulsion décollée est très fragile. En encadrant des photos sans passepartout ou entretoise, l’émulsion peut coller au verre à cause de l’humidité de condensation et ainsi provoquer une perte des propriétés de l’image à cause de la dégradation de la couche. Par forte humidité de l’air (à partir de 60%), le risque de moisissure est très élevé.
Les traces de doigts sur l’émulsion peuvent oxyder de façon irréversible. Elles sont reconnaissables aux couleurs orangées à cet endroit (photo 1).

Des polluants oxydants comme le peroxyde ou des composés de soufre entraînent en général des transformations irréversibles des matériaux réalisant l’image. Les particules de l’image argentique finissent par s’oxyder. Ce procédé est accéléré par la chaleur et l’humidité. Des ions d’argent mobiles apparaissent, qui peuvent alors être réduits en argent métallique. Si cela arrive à la surface de l’émulsion, se forme alors une couche brillante métal-lique/argentée, surtout visible sur les parties sombres, ce que l’on appelle un miroir d’argent. Avec du papier polyé-thylène, on observe un jaunissement sous l’influence de peroxydes (photo 2). Des points rouges, des taches d’oxydation peuvent également apparaître. Les polluants mentionnés ci-dessus peuvent être émis par le matériau d’emballage, le mobilier d’archivage, les sols et les peintures des murs. Les matériaux contenant du bois ou de la lignine, commes les passe-partout par exemple peuvent également entraîner une décoloration jaunâtre/marron de la photographie.
Sur des tirages couleurs développés apparaissent également des altérations de couleurs aussi bien sous l’effet de la lumière que stockés dans le noir. Celles-ci sont provoquées par l’instabilité chimique du matériel, c’est à dire de la substance colorante utilisée et des conditions environnementales. Sous influence de la lumière, on peut observer un point bleu, car le magenta et le jaune blanchissent plus vite que le cyan. Dans un stockage plus sombre, il apparaît souvent un point rouge, car le bleu et le jaune sont plus instables dans le noir que le magenta. Ce processus s’accélère surtout en cas de température et humidité relative élevées.

Technique du négatif
On peut observer les mêmes dégradations. Un stockage et une manipulation inappropriés peuvent entraîner des brisures de verre et des défauts sur les plaques de verre. La couche peut également se décoller en cas de variations environnementales. Dans les enveloppes en papier pergamin, le papier risque de se gondoler et de laisser une trace dans l’émulsion en cas de trop forte humidité. Le contact de l’émulsion avec le fond d’une boîte ou d’une enveloppe contenant de la lignine ou d’une colle sulfureuse peut provoquer un miroir d’argent à cause des polluants qu’ils contiennent (photo 4). Le mauvais matériel d’étiquetage (feutre, crayon, etc…) peut même provoquer ces altérations à travers une enveloppe ou un emballage (photo 3).

Sur les diapositives à développement chromogène, on remarque les mêmes phénomènes de détérioration que sur les matériaux de tirages couleur à développement chromogène. Les films en nitrate de cellulose sont sujets à se désintégrer à cause de l’instabilité du matériau (photo 5). Le matériau support se compose de coton nitré, qui avec du camphre, était utilisé comme plastifiant. Du dioxyde d’azote apparaît lors du procédé de décomposition, qui se combine alors à de l’acide nitrique avec de l’humidité relative. Ce procédé est accéléré par des conditions climatiques trop chaudes et humides. Si ces films sont emballés dans les pochettes en plastique, les substances nocives ne peuvent pas s’échapper, ce qui amplifie le processus de destruction de façon significative. A un stade avancé de la dégradation, le support revêt une décoloration jaunâtre ou ambrée. Le support se déforme et devient très fragile. L’émulsion à la gélatine et les cristaux d’argent sont aussi touchés. L’émulsion se ramollit et devient collante, l’image argentique blanchit.

Le support des films en acétate se compose de diacétate et de triacétate de cellulose. Ce procédé de destruction est désigné « syndrome du vinaigre », à cause de l’acide acétique qui se dégage au moment de la détérioration. On peut reconnaître la destruction d’un film en acétate par le rétrécissement, le détachement et le craquellement du support. L’émulsion peut se détacher du support rétréci (photo 6). Une odeur de vinaigre est également typique. Les substances destructives peuvent aussi contribuer à une décoloration des substances colorantes.

Archivage – Conservation
Inventaire, étiquetage
Le numéro de référence doit être placé au bord de l’objet : il faut choisir le cas échéant un tampon de petit format et l’appliquer en dehors du champ de l’image. Pour marquer les photographies, il ne faut pas utiliser de stylos, de feutres ou de stylo à mine, car ils peuvent laisser une marque sur le devant de la photo et sont indélébiles. Pour éviter les marques sur le recto de la photo, il faut éviter qu’une pression trop grande soit exercée. Ne pas utiliser d’étiquettes autocollantes, de film autocollant (Tesa®, Filmoplast® etc.), de post-it  car leurs adhésifs contiennent des substances  qui peuvent entraîner un jaunissement ou un brunissement de l’image. Les tirages peuvent être marqués au verso, les négatifs et les diapositives sur plaque de verre ou film sur le bord avec un crayon de papier tendre.
Matériel recommandé :     
- crayon de papier tendre : par ex. Mars Lumograph 100 6B, Staedtler®, Schwan All Stabilo 8008
- tampon couleur: ancien tampon de la poste allemande Nr. 218, Bezugsquelle: Noris Color GmbH, Postfach 1223, 95302 Kulmbach, www.noris-color.de

Manipulation, utilisation
Pour manipuler et utiliser les objets photographiques, il faut toujours veiller à utiliser des gants en coton. Il est très difficile voire impossible d’effacer les traces de doigts (voir photo 1). En manipulant les épreuves, il faut faire attention aux surfaces fragiles (surface très brillante, couche de liant intermédiaire instable, fendilles dans la couche, décollage de la couche) et aux morceaux cassés car ces parties sont si sensibles que le risque est de perdre l’image. Il faut également éviter d’utiliser une loupe directement sur les photographies, mais toujours mettre un film en polyéthylène ou polyester entre les deux. Bien entendu, il doit être interdit de manger ou boire dans les salles d’archives. Pour le transport d’objet sur un chariot ou encore dans une boîte, il est préférable de le porter à la main, pour éviter des dommages tels que des brisures de verre.

Stockage, emballage
Il est recommandé d’avoir une salle d’archives séparée pour les collections de photos, car les photographies ont besoin de conditions environnementales particulières. Des tuyaux ou des installations d’arrosage peuvent repré-senter un risque d’endommagement. En cas d’incendie, il est recommandé d’équiper la salle d’archive d’extincteurs à poudre ou d’un système d’extinction par gaz. Il faut également mettre en place un plan d’urgence pour sauver les objets rapidement. Il ne faut pas qu’il y ait de photocopieur, d’imprimante laser, etc. dans la pièce, car les gaz (ozone) que ces appareils dégagent abîment les photographies. Les feuilles de contrôle de substances polluantes de l’entreprise Monochrom permettent de détecter les substances polluantes, même s’il faut renvoyer les feuilles à l’entreprise pour l’interprétation des résultats.

Pour ce qui est des armoires et des étagères, il faut privilégier l’acier thermolaqué à toutes autres sortes de matériaux. Les plaques de fibres et en bois lamellé sont aussi à éviter pour l’emmagasinage car ces matériaux peuvent émettent des gaz nocifs au vieillissement des photographies. Pour ce qui est du conditionnement, chaque objet doit être emballé dans sa propre pochette, afin d’éviter les frottements. Il faut veiller à peu remplir les boîtes. Pour les diapositives, empiler environ 20 épreuves de la même taille pour éviter les empreintes. Ne pas mettre plus de 15 plaques de verre par boîte afin de réduire le poids de la boîte. Les négatifs sur plaque de verre jusqu’à 18 x 24 cm doivent être stockés verticalement, les formats plus grands en moins grande quantité, jusqu’à 10 objets, les uns sur les autres et horizontalement. Comme matériau de conditionnement, il faut utiliser des matériaux dédiés à l’archivage des photos, ISO 18916:2000, testés par le Photographic Activity Test (P.A.T.) et certifiés. Le test atteste si un matériel a provoqué des réactions chimiques avec les photographies, par ex. s’il a entraîné une décoloration ou un blanchissement. Les papiers en contact direct avec les photographies doivent être fabriqués en tissus ou cellulose. Ils possèdent une grande quantité de cellulose alpha (qui est particulièrement pure), exempte de lignine, de particules métalliques, de cire et de plastifiants. Il faut également renoncer à l’utilisation de papier et carton, de boîtes photos, d’enveloppes, de pochettes Pergamin contenant de la pâte mécanique (photo 7). Avec les pochettes en plastique, il faut faire attention à ce qu’elles soient exemptes de plastifiants et de solvants (donc pas de PVC) et à ce qu’elles n’aient pas de surface en relief. Le matériau d’emballage en contact direct avec les photos ne doit pas comporter de parties métalliques. Il est préférable d’utiliser une surface de matériau d’emballage légèrement rugueuse et matte plutôt que lisse et brillante, car cette dernière peut coller et former des taches brillantes.
Les pochettes doivent comporter le moins de parties collantes possibles. Si les produits sont collés, les bords collés doivent se trouver au bord et ne pas être en contact avec l’émulsion. Comme adhésif, on peut utiliser de la géla-tine photographique, de l’amidon, de la méthylcellulose et la colle acrylique ou PVA. Les objets sont mieux protégés dans des boîtes fermées, pour les cahiers à anneaux, il est recommandé d’utiliser un étui pour les protéger de la poussière.

Il est préférable d’utiliser du papier sans réserve alcaline (pH entre 7,0 et 7,5) surtout pour les anciens procédés (cyanotypie, papier albuminé) et les photographies. Le papier/carton des boîtes qui n’est pas en contact avec l’émulsion photographique doit contenir une réserve alcaline de 2% de carbonate de calcium pour protéger des polluants acides extérieurs. Le papier et le plastique des matériaux d’emballage ont chacun des avantages et des inconvénients. Le papier est opaque et offre une protection contre la lumière. Il est respirant et est plus à même de réguler les variations climatiques dans la salle. Les pochettes en plastique sont transparentes, on n’a pas besoin de sortir les objets pour les regarder, ce qui peut être un avantage pour les objets souvent utilisés. Par contre, le plastique n’offre pas de protection contre la lumière et c’est plus difficile d’écrire dessus.  De plus, le plastique n’est pas respirant et ne peut pas servir de tampon lors de variations climatiques. Le risque que l’émulsion colle au plastique en cas de pression, de température ou d’humidité relative élevée représente un autre inconvénient. Des taches brillantes peuvent également apparaître. Les plastiques comme le polyester comportent une électrostatique élevée et attirent la poussière. Pour le nitrate de cellulose et l’acétate, il vaut mieux éviter les pochettes en plastique, car les émanations nocives se dégageant des objets ne peuvent pas s’échapper et accélèrent alors la destruction. 

Les emballages suivants se sont avérés adaptés aux différents objets photographiques :

  • pour les négatifs et les diapositives sur plaque de verre : pochettes à quatre rabats, boites d’archives
  • pour les pellicules : intercalaires en plastique (sauf avec la nitrate de cellulose), pochette en papier, boîte avec couvercle avec mécanisme de reliure
  • pour les diapositives (petite image) : cadre sans verre, intercalaire en plastique, boîte avec couvercle avec mécanisme de reliure, boîte pour diapositives en carton
  • pour les tirages : enveloppe papier, boîte avec couvercle, pochette, montage comme pour les dessins
  • pour les albums photo : étui, boîte avec couvercle et bords rabattables.

Environnement, lumière
Pour l’archivage à long terme des objets photographiques, il est très important de créer une atmosphère stable. Les variations abruptes de température et d’humidité relative doivent absolument être évitées, tout comme les variations rapides en 24 heures. La référence est une valeur de variation de max. +/- 2°C et  max. +/- 5% d’humidité relative de l’air. Les températures au-dessus de 25°C et une humidité relative de plus de 60 % accélèrent le processus chimique de destruction. Des contrôles climatiques (température et humidité) doivent être faits régulièrement. Le tableau suivant indique les valeurs recommandées pour la température et l’humidité de l’atmosphère pour le stockage des différents matériaux photographiques. Comme aide d’argumentation, on peut utiliser les programmes ou les brochures d’information suivants : le „Preservation Calculator“, le „Storage Guide for Acetate Films“ et le „Storage Guide for Color Photographic Materials“.Ces trois publications sont publiées par Image Permanence Institute, Rochester Institute of Technology. Le „Preservation Calculator“ est un programme gratuit que l’on peut télécharger du site internet IPI (www.imagepermanenceinstitute.org). Les normes pour les matériaux de conditionnement et le stockage des différents matériaux photographiques représentent une autre aide d’argumentation (voir 5. Bibliographie). Pour la climatisation, il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de peroxyde d’hydrogène utilisé en complément. Il faut éviter la lumière directe sur les photos, notamment les rayons UV forts (lumière du soleil, lumière standard à fluorescence, halogène). Pour les lampes, les fenêtres, les vitrines, on peut utiliser des filtres protecteurs d’UV. Il existe aussi des lampes spéciales pour les tubes et les lampes halogènes sur lesquels un filtre protecteur d’UV est déjà intégré. Si les photographies sont présentées, ce n’est pas seulement l’intensité de l’éclairage qui joue un rôle, mais aussi la durée d’exposition à la lumière. Le tableau suivant indique comme référence les valeurs maxi-males d’exposition à la lumière : lx.h = intensité de la lumière (lux) x durée d’exposition (h).

Résumé
Voici les points essentiels à retenir :
• Clarifier les objectifs et les conséquences, éventuellement recours à une expertise de la collection
• Utiliser les conseils des spécialistes/restaurateurs de photos ainsi que la littérature correspondante
• Elaborer des plans d’urgence en cas de catastrophe (dégâts des eaux, incendie)
• Utiliser les matériaux spécialement conçus pour l’archivage des photos, testés P.A.T.
• Eviter tous les facteurs (chimiques, biologiques et physiques) qui peuvent endommager les photos
• Eviter les variations environnementales
• Utiliser des méthodes viables adaptées, utiliser les termes techniques
• Séparer les pellicules en nitrate de cellulose

Pour imprimer un exemple d'utilisation, veuillez cliquer ici.

Auteur : Ulrike Müller, Diplom-Restauratorin, Hauptstr. 6, 01454 Radeberg, Tel.: 03528/414967, portable: 0175/8954823, e-mail: photorestaurierung@gmx.de

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